Après avoir profité d’un petit déjeuner avec Emil Ferris et assisté à une joute de traduction littéraire de l’espagnol, le dimanche, j’ai passé la matinée dans un atelier d’écriture animé par Dan Chaon. Originaire du Nebraska, c’est un romancier et nouvelliste, dont j’ai notamment lu le recueil de nouvelles Surtout rester éveillé.
Cette lecture m’avait légèrement rappelé Raymond Carver, mais dans une veine un peu plus sombre. Il a un talent fou pour nous faire rentrer dans la tête de ses personnages et découvrir leurs secrets les mieux dissimulés.
Cet atelier avait un format un peu atypique, et je dirais que c’était à mi-chemin entre l’atelier d’écriture et la session de Q&A axée écriture, quasiment une masterclass. Tout cela est donc arrivé dans le désordre, mais voici ce que j’en retiens. Rien de très neuf sous le soleil de l’écriture, me direz-vous. Mais pour ma part, étant actuellement aux prises avec un sérieux syndrome de l’imposteur, cela m’a fait beaucoup de bien de revoir les bases de la sorte.
Émergence des idées
Il a commencé par nous parler de la façon dont les idées émergeaient le plus souvent pour lui : sous forme d’une image, mais une image qui a un mouvement, une direction, qui raconte déjà quelque chose.
J’ai bien aimé la façon dont il nous a expliqué que son processus à lui était majoritairement organique, c’est-à-dire qu’il peut lui arriver de se mettre à écrire un roman sans vraiment savoir à l’avance quel chemin il va prendre. En général, il commence par écrire quelques scènes, qui peuvent ensuite être reliées entre elles, et c’est seulement dans un deuxième temps qu’il creuse la biographie de ses personnages, la structure de son intrigue. Il a bien souligné l’importance de laisser des ouvertures, dans lesquelles on pourra ensuite s’engouffrer à l’instinct, à mesure qu’on écrit.
Choix du format et état d’esprit
Il faut réfléchir à ce que l’on veut raconter et comment on veut le faire pour choisir entre le format court (nouvelle, novella) et le format long (roman). Il indique aussi que quand on écrit un roman, c’est dans tout un état d’esprit qu’on rentre, et qu’une fois qu’on est dedans, il peut être dangereux de s’interrompre. Ce qui n’est pas sans rappeler le conseil de Lionel Davoust : « Touche ton projet tous les jours ». C’est pourquoi par exemple, quand DC est dans un projet, il va choisir des lectures qui ne risquent pas d’interférer avec son écriture. Il va choisir de la poésie, ou des auteurs en traduction qui ne risquent pas d’avoir le même style et les mêmes préoccupations que lui. Lors de la rédaction de son dernier ouvrage, il nous a indiqué avoir lu essentiellement George Perec et Julio Cortazar par exemple.
Le qu’en-dira-t-on
Face aux différentes interrogations des participants, il a précisé qu’il était bon de terminer son premier jet sans commencer déjà à se montrer trop critique envers soi-même. L’objectif principal reste de boucler un premier jet qu’on pourra ensuite relire nous-mêmes et aussi faire lire.
La mise en pratique
Là-dessus, il nous a proposé un petit exercice pour nous aider à créer des scènes mieux détaillées. En pensant à une personne donnée, il nous a demandé de répondre à toute une série de questions très précises, puis de rédiger un bref passage (7 minutes d’écriture top chrono). Il nous a confié que c’était une de ses techniques pour éviter de se lancer dans des scènes avec rien d’autres que des dialogues et un décor pas assez bien planté.
Quelque part, en lisant, le lecteur partage une image mentale créée par l’auteur. Il est donc important de donner à cette image le plus d’impact possible.
Les personnages
Il nous a parlé d’une façon possible de rendre les personnages plus vivants/réalistes : s’inspirer de personnes que l’on connaît personnellement. Ensuite, bien sûr, il y a la question de la part de vérité de chaque personnage : est-ce que les proches vont se reconnaître ? En principe, l’auteur est capable de dissimuler son forfait.
La/les voix d’un texte
Il conseille aussi de relire son texte à voix haute, pour se réimprégner de l’atmosphère.
Il nous rappelle que quand nous étions enfants et que nous faisions parler nos poupées, nous prenions tout cela très au sérieux. Quand on écrit, il faut essayer de retrouver cet état d’esprit.
Pour lui, les voix des personnages dans un roman, c’est un peu comme jouer la comédie. Certains auteurs sont très forts pour cela.
Une participante lui a posé une question sur les personnages antipathiques. En réponse, il nous indique que parmi les plus grands chefs d’œuvres littéraires, il y a une foule de personnages antipathiques, il ne faut pas s’arrêter à cela. Lui-même n’est pas sûr que ses personnages soient les plus sympathiques qui soient.
La méthode
Il finit souvent ses sessions d’écriture sur une question, un cliffhanger ou au milieu d’une phrase. Ainsi, il sera plus facile d’y revenir le lendemain.
Son rythme d’écriture est plutôt nocturne, il travaille en général de 21h30 à 3h du matin et s’astreint à faire 5 pages par jour.
Pour conclure
Cet atelier, par son format original a pu en décontenancer certains, mais c’est tout de même un privilège rare que d’avoir pu échanger de la sorte avec un auteur de la trempe de Dan Chaon aussi librement.
Enfin, un mot sur le Salon du livre du festival. Bien sûr, j’ai tâché d’être sage et de ne pas dévaliser les stands, mais bon j’ai tout de même un petit bilan d’achats dans lesquels j’ai bien hâte de me plonger :
C’est le dernier billet de cette série sur le festival America. Rendez-vous dans deux ans pour la prochaine édition 😉
Ahh le Whitmer se trouve également sur ma pàl…..
Cool, je guetterai ta chronique alors 😉
Très intéressant de voir comment procède un écrivain. Le genre d’atelier qui est certainement très enrichissant à plusieurs points de vue.
Une petite coquille : « d’avoir le même style et les mêmes préoccupations de lui. » >> « que » lui.
Tout à fait. Tout cela est interconnecté à mon sens : lecture, écriture, traduction. Elles se nourrissent les unes les autres. Et merci pour ta vigilance, Jean-Paul, la coquille est corrigée ! 🙂