Ce que j’aime dans les cérémonies de remise du Prix Caillé de la traduction, c’est qu’on y fait toujours la part belle aux œuvres. Les jurés prennent le temps de nous évoquer tous les finalistes et ils lisent des extraits de chaque roman. C’est toujours un moment riche en découvertes qui piquent ma curiosité.
Cette année, c’était à la Fondation des États-Unis de la Cité universitaire que nous étions conviés. La cérémonie s’est déroulée dans une grande salle ornée de majestueuses fresques art déco qui ont toute une histoire.
Avant de vous parler des livres, je précise que la remise du Prix Caillé s’intègre à ce que l’on appelle la « Soirée SFT », qui donne l’occasion au Syndicat de faire un point sur les réalisations passées et les perspectives pour l’année à venir. Un peu comme à l’AG, mais en format très très light.
En préambule, Fayza El Qasem, la directrice de l’ESIT a prononcé quelques mots parmi lesquels j’ai retenu sa citation de Paul Ricœur concernant
l’ « hospitalité langagière » où « le plaisir d’habiter la langue de l’autre est compensé par le plaisir de recevoir chez soi, dans sa propre demeure d’accueil, la parole de l’étranger ».
Ces phrases me restent en mémoire et me poussent à ajouter son ouvrage Sur la traduction à ma liste à lire.
Au cours de cette soirée, j’ai pu découvrir la publication d’un Florilège de la revue Traduire qui fête ses 65 ans : compilation des articles « coups de cœur » du comité de rédaction de la revue, comme nous l’a joliment présenté Elaine Holt.
Par ailleurs, Laurence Cuzzolin nous a fait découvrir le projet « 70 ans de SFT 70 portraits de traducteurs » qui semble tout bonnement passionnant. Coup de projecteur sur les figures de l’ombre que nous sommes au fil des questions qui ont souvent donné lieu à de longues réponses qui valent le détour. Ce qui me donne envie de dire un très grand merci à la SFT pour tout ce qu’elle fait pour notre profession.
Nous en sommes ensuite venus aux livres.
[Le saviez-vous ? Le prix Caillé a désormais son propre site Internet.]
Cette année, les finalistes étaient au nombre de sept :
Étienne Gomez, pour sa traduction de l’anglais (États-Unis) de Meilleur ami/Meilleur ennemi de James Kirkwood, aux Éditions Joëlle Losfeld
Loïc Marcou, pour sa traduction du grec de Le Crime de Psychiko, de Paul Nirvanas, chez Mirobole éditions
Anita Rochedy, pour sa traduction de l’italien de Le Garçon sauvage, carnet de montagne, de Paolo Cognetti, aux Éditions Zoé
Natacha Ruedin-Royon, pour sa traduction de l’allemand de L’Île, d’Ilma Rakusa, aux Éditions d’en bas
Théophile Sersiron, pour sa traduction de l’anglais (États-Unis) du Contorsionniste, de Craig Clevenger, aux éditions Le Nouvel Attila
Je dois avouer que celui qui a le plus retenu mon attention est Le Contorsionniste, qui apparemment est un véritable phénomène aux États-Unis. Selon l’éditeur, le roman a remporté un tel succès que les producteurs de cinéma ont non seulement acheté les droits, mais aussi le copyright du nom du personnage principal, interdisant à Clevenger de le réutiliser par la suite. Autre ajout à ma liste à lire.
Une mention spéciale a été décernée à :
Michelle Ortuno, pour sa traduction de l’espagnol de Baby spot, d’Isabel Alba, aux éditions La Contre Allée
Dans cet ouvrage, c’est un garçon de douze ans vivant dans la banlieue de Madrid qui parle. Et en effet, pour en avoir parcouru les premières pages, je ne peux qu’imaginer le tour de force que cela a dû être de transposer un langage si oral et familier dans un français qui fonctionne à son tour. Félicitations à Michelle Ortuno.
Et le prix 2017 a été attribué à :
Carole Fily, pour sa traduction de l’allemand (Autriche) de L’Étrange Mémoire de Rosa Masur, de Vladimir Vertlib, aux éditions Métailié
Lorsqu’on lui a remis son prix, Carole Fily a pris la parole pour raconter à l’assemblée, sans fards, quel chemin elle avait parcouru pour en arriver à cette publication et ce prix. J’ai beaucoup aimé son franc-parler, la façon dont elle narre sans détour les multiples obstacles auxquels le traducteur littéraire débutant doit se confronter : les éditeurs qui ne laissent pas une première chance aux traducteurs inconnus au bataillon, l’immersion nécessaire dans la littérature de la langue de travail afin de dégotter la pépite qu’on voudra proposer, les retours de l’éditeur sur nos premières versions, le travail sur la langue de l’auteur qui n’écrit pas dans sa langue maternelle… Bravo et merci à elle pour sa franchise et la teneur de son engagement.
Il ne reste plus qu’à attendre l’an prochain pour découvrir la nouvelle sélection. Le président du jury a d’ailleurs attiré l’attention du public sur le fait que les ouvrages proposés étaient très majoritairement du domaine de la fiction, et qu’il aimerait beaucoup y voir quelques titres de non-fiction… Affaire à suivre !
P.S. Il est à noter que l’on peut trouver des chroniques de plusieurs de ces titres sur le blog de Bernhard Lorenz, l’un des membres du jury, ici, là ou encore là par exemple.
4 Commentaires
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- Prix Caillé 2017 | Coquecigrues et ima-nu-ages - […] Lise Capitan […]
Merci Lise pour ce compte rendu bien sympathique. En effet, cetaitune belle cérémonie. Merci aussi pour les liens !!
Avec plaisir, Bernhard 🙂
Il va falloir que j’envisage de m’inscrire à la SFT pour suivre ce genre de soirée, en plus c’était à deux pas de chez moi ! Merci Lise pour le compte-rendu !
C’est un plaisir de parler de ces livres ! Laure, tu tombes à point nommé : c’est justement la période des inscriptions/renouvellements. N’hésite pas une seconde 😉